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L’Université de Strasbourg mobilisée contre la précarité étudiante

Sauter des repas, renoncer aux soins par manque d’argent, pas facile d’être étudiant aujourd’hui ! Et l’Alsace n’échappe pas au constat avec près de 40% des étudiants qui jugent leur situation financière difficile voire très difficile en 20121. Face à ce phénomène, de nombreuses initiatives fleurissent à l’Université de Strasbourg pour venir en aide aux étudiants en situation de précarité à défaut d’y remédier. 

Selon une enquête de l’Unef2, avec un coût de la vie en augmentation de 3,7% pour l’année 2012-2013, les étudiants s’appauvrissent deux fois plus vite que le reste de la population. La hausse du coût des loyers dans le parc locatif privé, des prix des produits de première nécessité (denrées alimentaires et vêtements) ainsi que des frais de scolarité – les trois premiers postes de dépenses des étudiants – plonge de nombreux jeunes dans une grande précarité.
Ces chiffres se vérifient en Alsace1 : le loyer mensuel moyen acquitté par les étudiants alsaciens décohabitants3 s’élève à 404 euros en 2012 contre 369 euros en 2011 ; un étudiant sur trois déclare ne pas manger parfois ou régulièrement à sa faim, par manque d’argent pour un quart d’entre eux ; et plus de 1300 étudiants déclarent n’être affiliés à aucun régime de sécurité sociale. Face à cette situation sociale préoccupante, la solidarité s’organise à tous les niveaux de l’université.

Un petit coup de main

Le Spacs4 organise depuis 2011-2012 des collectes alimentaires auprès des personnels en soutien à l’Association pour la solidarité étudiante en France (Asef), à l’initiative de Joëlle Hubé, membre élue du conseil du Spacs. « À l’université, je vois passer de nombreux étudiants qui galèrent avec 200 ou 300 euros par mois ; je me suis dit qu’on était assez de personnels pour donner un petit coup de main. » Trois collectes ont été organisées cette année. Et à chaque fois, « la seule chose qui manque, ce sont les cartons pour mettre les denrées ; c’est plutôt une bonne chose », indique Angèle Peter, assistante sociale. La Dali5 se charge ensuite de transporter les denrées jusqu’à l’Asef. Et Karine Chomel, présidente de l’association, reconnait : « Cela permet de donner l’équivalent de trois produits à chaque étudiant lors d’une distribution, ça nous aide beaucoup ! »

Des événements solidaires 

Au SVU6 aussi, des initiatives fleurissent. « Nous travaillons avec les compagnons d’Emmaüs depuis maintenant trois ans, notamment pour la brocante solidaire de la rentrée ; et récemment, le Secours populaire français nous a sollicités. Nous avons organisé une première vente de vêtements avec eux en avril », indique Dany Bouchehit, adjoint à la directrice du SVU. Face au succès regrettable de ces actions, une grande vente à prix réduits de vêtements, vélos, petites vaisselles, etc. sera de nouveau organisée à la rentrée 2013.
Le service social du Crous7 de Strasbourg  accueille, lui, depuis quelque temps de nouveaux publics. « Si nous recevions surtout des étudiants étrangers, aujourd’hui, de plus en plus d’étudiants boursiers viennent nous voir pour avoir une aide complémentaire à la bourse car sans aide des parents celle-ci ne suffit pas à couvrir toutes les dépenses », explique Marie-Odile Brette, responsable du service. Bien sûr celles-ci ont été réévaluées de 2,5% en 2008 tout comme les plafonds d’attribution ont été relevés. Et si le nombre de bénéficiaires des aides annuelles accordées par le Crous était en baisse en 2012, davantage d’étudiants confrontés à des difficultés soudaines ont sollicité, dans le cadre du Fonds national d’aide d’urgence, des aides ponctuelles. « L’aide d’urgence de 70 euros initialement créditée sur la carte de restauration est maintenant délivrée en espèces. Cela permet aux étudiants de l’affecter à leurs dépenses les plus urgentes comme par exemple des médicaments. »
Le Crous colle ainsi à une autre réalité : les difficultés financières impactent fortement les pratiques des étudiants en matière de santé.

La prévention comme solution ? 

Dans son enquête « Santé et conditions de vie des étudiants » publiée en mai 2012, La Mutuelle des étudiants indique que 34% des étudiants ont renoncé à consulter un médecin dans les douze derniers mois faute d’argent pour un tiers d’entre eux. Au Sumps8, Corinne Clarac, la directrice, constate ainsi que « depuis trois ans, nous recevons de plus en plus d’étudiants qui viennent pour des soins ». Problème, le Sumps, dont la mission principale est d’assurer la protection médicale des étudiants par des actions de prévention, n’est pas agréé centre de soins. « Nous assurons tout de même des visites de médecine générale qui révèlent souvent de réelles souffrances psychologiques. Mais faute de moyens humains et matériels, nous envoyons la moitié des personnes au centre de santé de la Mutuelle générale de l’éducation nationale. »
Si la précarisation croissante explique en partie ce phénomène, Corinne Clarac est convaincue qu’il résulte aussi d’une mauvaise information des étudiants sur leurs droits en termes de complémentaire, de remboursement, etc. et qu’il est donc important de faire de la prévention. Même son de cloche chez Marie-Odile Brette au service social du Crous. « Nous assumons une mission de prévention car l’accès à la vie universitaire donne, à beaucoup d’étudiants, une autonomie budgétaire qu’ils n’avaient pas auparavant et quelquefois, la précarité résulte simplement de mauvais choix. » 

Floriane Andrey 

1Enquête de l’Afges, Conditions d’études et de vie des étudiants alsaciens, septembre 2012
2Union nationale des étudiants de France - Enquête sur le coût de la vie étudiante pour l’année 2012-2013
3Résidant hors du domicile parental ; 72 % des étudiants alsaciens sont dans ce cas.
4Service pour la promotion de l’action sociale
5Direction des affaires logistiques intérieures
6Service de la vie universitaire
7Centre régional des œuvres universitaires et scolaires
8Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé

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Une aide alimentaire pour les étudiants en difficulté

L’Association pour la solidarité étudiante en France (Asef) organise, depuis la rentrée 2011, une distribution de paniers repas aux étudiants en situation de précarité. Ils sont, chaque semaine, un peu plus nombreux. 

Mercredi 10 avril, 18 h, devant l’aumônerie universitaire de Strasbourg. Plusieurs dizaines d’étudiants se massent dans la file d’attente qui mène à la distribution de paniers repas organisée chaque semaine par l’Asef depuis la rentrée 2011. « Ce sont des étudiants nantais qui, au début des années 2000, ont lancé cette idée pour venir en aide à leurs voisins de cité universitaire qui ne mangeaient qu’une fois par jour », explique Karine Chomel, étudiante en quatrième année à l’Insa, qui préside l’association.
Ghislaine, 23 ans, fait partie des bénéficiaires de l’aide alimentaire. « Je viens régulièrement, avec des amis, depuis le début du deuxième semestre ; avant je n’osais pas car je me disais que d’autres en avaient davantage besoin que moi. Mais mon seul revenu c’est la pension que me verse mon père, cette distribution m’enlève donc une sacrée épine du pied », confie la jeune étudiante en deuxième année Langues et interculturalité qui avoue avoir sauté beaucoup de repas avant ça. Et de nombreux autres étudiants sont dans son cas. « Chaque mercredi, nous accueillons près de 250 étudiants », confie Karine Chomel.

Une carte de bénéficiaire + un sac + un euro = un panier repas 

Tous les âges, toutes les nationalités et tous les profils se confondent dans la file d’attente. Jonathan, étudiant en biologie de 24 ans, travaille de nuit aux Dernières nouvelles d’Alsace et gagne entre 400 et 500 euros par mois, son seul revenu. « Je viens de temps en temps, ce n’est pas cher, on a un sac rempli de courses pour le prix d’une brique de lait ! » Grégoire, 19 ans et étudiant en première année de droit, est issu de la classe moyenne. « Mes parents me font quelques courses quand je rentre le week-end mais je complète avec l’aide de l’Asef », confie celui qui est devenu bénévole de l’association. « Pour moi, c’était normal de m’investir. »
Le fonctionnement de la distribution alimentaire est simple. Il suffit de présenter sa carte Asef - délivrée à l'entrée après avoir présentée sa carte d’étudiant - pour ensuite recevoir du lait, des conserves, des plats préparés mais aussi de la viande, des yaourts et des fruits et légumes frais et tout cela pour un euro. « Les denrées proviennent principalement de la Banque alimentaire et des invendus de quelques commerçants locaux », indique Karine Chomel.
Outre l’aide alimentaire hebdomadaire, l’Asef, qui compte une trentaine d’étudiants bénévoles, organise aussi des ateliers cuisine toutes les deux semaines environ, des ateliers coiffure et des troc-dressing deux fois par an. « Il s’agit bien sûr de venir en aide aux étudiants mais aussi de développer les échanges pour éviter l’isolement, éventuel point de départ d’un cercle vicieux », conclut la jeune étudiante.

Floriane Andrey

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François Gauer : « L’évaluation continue intégrale fait progresser le niveau des étudiants autant que leur taux de réussite à l’examen »

Expérimentée dès la rentrée 2012 dans une dizaine d’unités de formation et de recherche (UFR) de l’université, l’évaluation continue intégrale  va être étendue à l’ensemble des mentions de licence des domaines Arts-lettres-langues, Sciences humaines et sociales, Sciences et technologies dès la rentrée prochaine. L’expérimentation est en effet positive, en dépit d’inévitables difficultés de mise en œuvre. Tour d’horizon avec François Gauer, vice-président délégué aux pratiques pédagogiques et par ailleurs doyen de la Faculté des sciences de la vie, qui expérimente cette nouvelle forme d'évaluation à grande échelle depuis septembre dernier.

L’évaluation continue intégrale est testée sur différents périmètres dans une dizaine d’UFR depuis septembre dernier, quel bilan tirez-vous ?
Cette nouvelle forme d'évaluation consiste à évaluer les connaissances et compétences des étudiants, non plus sur un examen unique en fin de semestre, doublé d’une session de rattrapage, mais sur une série de trois examens au moins, répartis sur le semestre. Il m’est difficile pour l’instant de tirer un bilan général de l’expérimentation, qui est encore en cours et dont les résultats ne sont pas tous parvenus jusqu’à nous. Je peux parler par contre de la Faculté des sciences de la vie, dont je suis doyen, et qui a entrepris d’expérimenter l’évaluation continue intégrale à grande échelle puisque nous avons appliqué ce nouveau système d’évaluation à toute la faculté, en licences et masters, donc à 1 600 étudiants. Les résultats sont probants. Le pourcentage de réussite des étudiants de tous niveaux a progressé de façon très significative, et, plus important encore, la moyenne des étudiants a progressé. J’en conclus que ce nouveau système d’évaluation améliore le niveau des étudiants, ce qui est au moins aussi important que leur taux de réussite aux examens.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?
En fait, la mise en place de l’évaluation continue intégrale a de nombreuses implications pédagogiques bénéfiques. Les trois examens étant répartis sur le semestre, l’un d’eux se situe peu de temps après la rentrée et permet à l’étudiant de prendre conscience rapidement de son niveau, de ses éventuelles difficultés, de ses problèmes méthodologiques. Grâce au dialogue avec l’enseignant, il va pouvoir redresser la barre et progresser avant la fin de son semestre. De même, le fait d’être évalué sur trois épreuves au lieu d’une seule fonctionne comme un entraînement sportif : d’une épreuve à l’autre, l’étudiant comprend mieux ce qu’on attend de lui, ce qu’il doit faire pour réussir ses examens. Et non seulement il les réussit plus souvent, mais il les réussit mieux.
C’est un cercle vertueux dans lequel nous souhaitons entrer : la qualité du travail des étudiants, le retour sur les évaluations, les entraînements répétés et encadrés améliorent leur réussite, renforcent leur maîtrise des connaissances et compétences visées par la formation. À terme, nous espérons que cela aidera à leur insertion dans le monde du travail, et permettra aux diplômes de notre université d’être mieux reconnus dans le monde socio-économique. C’est donc un enjeu de crédibilité pour l’université et pour ses étudiants.

Très concrètement, qu’est-ce que ça change pour les enseignants, les étudiants ?
À la rentrée 2013, l’évaluation continue intégrale va être étendue à l’ensemble des mentions de licence des domaines Arts-lettres-langues, Sciences humaines et sociales, Sciences et technologies. Le domaine Droit-économie-gestion travaille à sa mise en place à la rentrée 2014. Les UFR qui le souhaitent peuvent intégrer les masters au dispositif, comme nous l’avons fait en sciences de la vie.
C’est un changement non négligeable pour les enseignants comme pour les étudiants. Comme tout changement, il demande une adaptation. Au niveau de la gouvernance universitaire, nous sommes tout à fait conscients des difficultés qui peuvent être rencontrées dans la mise en œuvre de ces nouvelles modalités d’évaluation et nous sommes prêts à proposer un accompagnement en moyens, en conseils. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut toujours dissocier les objectifs pédagogiques et les moyens techniques.
À la Faculté des sciences de la vie, l’adhésion des enseignants est forcément inégale. Certains sont contre a priori, d’autres ont toujours été favorables, et d’autres ont été convaincus par les résultats. Les étudiants, et notamment leurs élus, nous accompagnent activement dans cette démarche depuis le début du projet en 2009. Les associations étudiantes se sont approprié ce nouveau système d'évaluation et leur adhésion est pour beaucoup dans la réussite du projet qui est avant tout mis en place pour eux.

Propos recueillis par Caroline Laplane

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Ensemble, soutenons les étudiants syriens!

La situation en Syrie empire d’heure en heure. La vie académique est sinistrée, les conséquences de la guerre sont incalculables pour l’enseignement, la recherche, et le lien, vital, entre les universités et l’activité socio-économique du pays. Aujourd’hui, la complication politique du dossier paralyse l’aide internationale, ce qui aggrave encore la détresse du peuple syrien, otage de ce conflit. « Nous ne pouvons rester les bras croisés, ni tolérer qu’un tel massacre se déroule sous nos yeux, aux portes de l’Europe », soulignent Alain Beretz et Régis Bello, présidents de l’Université et de la Fondation.

Mobilisons nous !

Pour prolonger la semaine de soutien au peuple syrien organisée conjointement par la Communauté urbaine de Strasbourg et l’association Alsace-Syrie, l'Université de Strasbourg se mobilise et fait appel à votre générosité pour permettre à quelques étudiants de venir poursuivre leurs études en France, avec une bourse d’études. Ce geste que vous ferez en faveur des étudiants syriens est libre. L’Université de Strasbourg vous y invite et elle vous remercie d’avance pour un acte de générosité qui, même symbolique, a le pouvoir immense de redonner l’espoir à ceux qui l’ont perdu.